Tiago Rodriguez occupe le Théâtre de la Bastille avec Bovary
Bovary
D’après le roman et le procès de Gustave Flaubert Mise en scène de Tiago Rodrigues Avec Mathieu Boisliveau, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios et Ruth Vega Fernandez Du 1er au 28 mars Tarifs : De 17€ à 27€ Réservation en ligne ou au 01 43 57 42 14 Durée : 2h10 Théâtre de la Bastille Le Dictionnaire des idées reçues D’après Gustave Flaubert Mise en scène de Magali Ducleux Conçu et interprété par Christine Blondel Du 13 avril au 12 mai Les mercredis et jeudis à 20h Réservation au 01 43 38 74 62 ou en ligne Durée : 1h Aktéon Théâtre www.akteon.fr |
On l’avait découvert l’été dernier au Festival d’Avignon avec une très belle adaptation d’Antoine et Cléopâtre de Shakespeare pour deux acteurs-danseurs. Depuis, Tiago Rodrigues a été nommé à la tête du Théâtre National du Portugal et poursuit en Europe ses expériences participatives qui mettent le public au coeur du processus artistique. Le roman de Flaubert, Madame Bovary, est le premier volet de cette Occupation Bastille qui se poursuivra jusqu’au 12 juin 2016.
Tiago occupe la Bastille Tandis que la Nuit Debout occupe la Place de la République à Paris et dans d’autres villes de France, l’acteur-metteur en scène Tiago Rodrigues s’installe avec ses comédiens au Théâtre de la Bastille pour une Occupation Bastille qui va durer trois mois. Une manière, selon lui, avec son collectif d’artistes, l’équipe du théâtre et le public, de questionner le rapport à l’art, de plonger dans le mystère de la création théâtrale sans savoir à priori ce qu’il en adviendra. Des artistes français et portugais, des spectateurs sur des projets nommés « Ce soir on ne répétera jamais » ou « Je t’ai vu pour la première fois au Théâtre de la Bastille » réinventeront l’urgence de créer à travers ces expériences éphémères en forme de manifestes de plusieurs jours. L’idée merveilleuse certes d’une communauté d’acteurs et de spectateurs qui interagissent durant trois mois. « Bovary » ouvre le feu Le roman de Flaubert ouvre donc le feu durant quelques jours en avril et durant tout le mois de mai. Mais le metteur en scène se garde bien de faire incarner les personnages dans l’histoire. Le spectacle qui nous est proposé est celui du procès de Flaubert en 1857 au moment de la publication de son roman en feuilleton. Romancier réaliste, qui se faisait un devoir d’objectivité dans la description de ses personnages, Gustave Flaubert était accusé, comme d’ailleurs Baudelaire pour « Les Fleurs du Mal », de porter atteinte à la morale publique en décrivant une jeune provinciale, Emma Bovay, qui trompe son mari de manière éhontée et finit par se suicider dans d’affreuses douleurs. Perversité, provocation, adultère, débauche de désirs et d’argent décrites de manière beaucoup trop lascive pour les représentants de la société de l’époque. Kaléïdoscope de sensations et de personnages à travers les feuilles Dans des lumières superbes de Nuno Meira, le plateau nu du théâtre se recouvre progressivement des feuilles arrachées au roman par les comédiens, placés devant ou derrières de grosses lentilles à effet loupe sur lesquelles viennent danser la lumière. Il y a là la très belle Ruth Vega Fernandez, comédienne danseuse qui a construit sa carrière en Espagne, en Suède, au TNP et au TgStan, avec un français parfait et une présence imposante dans le rôle du redoutable procureur Pinard. Elégante, enceinte et perchée sur des talons hauts, la comédienne rembobine le fil du roman en même temps qu’elle expose les motifs de l’accusation. Compte tenu de son texte, qui reprend en grande partie les extraits du procès de Flaubert, la partition est énorme. Dans le rôle de l’avocat de Flaubert, Sénard, David Geselson manie le verbe comme une épée, cinglante, et exposant par là-même l’originalité et le brio d’un auteur qui prend la littérature pour ce qu’elle est vraiment : un portrait de l’humanité avec ses vices et ses travers, s’opposant à la morale bourgeoise qui lui demande de donner des leçons aux jeunes gens avec des personnages en forme de faire valoir. Lecture pédagogique Le spectacle poursuit donc son style décontracté en forme de scènes qui paraissent improvisées avec une représentation de moments clés du roman, évoqués par le procès. Jacques Bonnafé joue un Flaubert amusé mais fataliste, tandis que Grégoire Monsaingeon incarne le maladroit Charles Bovary, moqué par ses camarades de classe et par sa femme. La rencontre, la scène du bal deviennent des moments vivants, incarnés par les comédiens avec simplicité. Alma Palacios, actrice-danseuse suisso-argentine, en pantalon blanc et caraco rouge sang, est une Emma Bovary tendance, qui s’enflamme dans une danse sensuelle et très contemporaine pour évoquer l’émoi sentimental et sensuel de l’héroïne valsant avec Rodolphe, son futur amant. C’est clairement raconté, on comprend les enjeux du roman et du procès, ce qui est déjà pas mal. Mais cette simplicité bon enfant, cette manière de « mettre à plat » ce chef d’oeuvre en réduit considérable la force et la complexité. Le roman en devient anecdotique, comme si toute l’émotion, la profondeur des personnages projetés par l’objectivité très subjective de Flaubert (« Madame Bovary, c’est moi ») en étaient ternies. Reste un moment agréable et drôle de théâtre, qu’on peut compléter avec l’excellent Dictionnaire des idées reçues adapté par Christine Blondel à l’Aktéon Théâtre. Hélène Kuttner A découvrir sur Artistik Rezo : [ Crédit Photos : © Pierre Grosbois et Sylvain Duffard] |
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